L'article a l'air d'être un pavé mais ce n'est pas le cas, il se lit très vite :p
En tout cas j'ai bien rigolé en l'écrivant.



Deux ans après avoir lu le premier tome de la série Eragon, intitulé L'Héritage (livre globalement assez mal écrit mais agréable à lire), je me suis penchée sur le deuxième : L'Aîné. Et ce fût le drame.
Soit mes aspirations sont désormais plus élevées, soit Paolini est de plus en plus nul. J'opte pour un mélange. Je suis généralement assez peu difficile en matière de roman, et il est bien rare qu'un livre s'attire mon courroux (coucou). Mais quand la médiocrité fricote les hit-parades, je tique (cherchez l'allitération).

Et le fait que ce soit de la littérature jeunesse, qui plus est de la fantasy, ne justifie en rien cette médiocrité.

Eragon (du nom du héros) représente un univers d'héroïc-fantasy plutôt conventionnel (ce n'est pas péjoratif), avec des nains, des elfes, et des dragons. Ces derniers étant la marque de fabrique de l'oeuvre et son principal atout.

L'auteur, en train de faire popo dans les buissons.

Mais alors, en quoi c'est nul ?

Eh bien mes chers amis, j'ose incriminer haut et fort le style de Christopher Paolini. Qui n'en a d'ailleurs aucun.
Le tome 1 montre bon nombre de faiblesses d'écriture. Mais dans ma grande bonté, j'émets un doute : peut-être est-ce la faute d'une traduction hasardeuse. Quoi qu'il en soit, et même sans cette excuse, l'écriture n'est pas fameuse. Et impersonnelle, dans le sens où, malgré une volonté évidente de l'auteur, on n'entre guère dans l'intérioté des personnages.

Au contraire, on s'attache peu à eux car ils apparaissent davantage comme des incarnations de clichés (le héros, la belle elfe mystérieuse...) que comme des êtres à part entière. Bien sûr, tout est affaire de sensibilité, et bien des lecteurs se sont entichés de ces héros que je trouve fades au possible. Reste qu'ils n'ont rien de la profondeur qui caractérise les personnages de Robin Hobb, pour ne citer qu'elle (et en particulier Fitz :monomaniaque:).

J'ajoute que Paolini doit encore faire ses preuves dans l'art du récit. Il ne sait clairement pas décrire l'univers qu'il a créé (je ne reviendrai pas longuement sur cet univers, car les goûts et les couleurs...). Même s'il me semble malheureusement pauvre, et emprunt de stéréotypes inhérents à la fantasy, auxquels l'auteur n'aura pas su donner un charme propre.
Pour en revenir à l'art du récit, disons que Paolini n'est pas un conteur. On sent que ses idées sont pour lui très claires, mais la manière dont il les peint les rend difficiles à visualiser. Je pense notamment aux différents paysages, ce qui est particulièrement dommage puisque le décor, dans les romans de fantasy, tient une place fondamentale.

Tous ces dessins humoristiques que j'aime beaucoup viennent du blog officiel de l'éditeur, tenu (sans doute bénévolement) par une fan...Pardon à elle pour mes propos si elle tombe sur mon article un jour :)


Dernier problème, et pas des moindres : le fait qu'il ne se passe RIEN. Le premier tome se borne à raconter, en 700 pages, la découverte par Eragon d'un oeuf de dragon, puis sa fuite jusqu'au royaume des nains.
L'histoire pourrait se résumer ainsi :
Eragon est un jeune homme d'environ 15 ans qui vit avec son oncle et cousin adoptifs dans un village bouseux reculé du monde. Un jour, il trouve dans les montagnes un gros noeunoeuf. Intrigué, Eragon le ramène. Quand l'oeuf éclot, surpriiiiise ! un bébé dragon. Eragon devient alors un dragonnier parce que la madame dragon en question, Saphira, l'a choisi.

Mais entre temps les bad boys de l'histoire arrivent pour piquer l'oeuf. Ils zigouillent l'oncle adoptif et se lancent à la poursuite du nouveau dragonnier. Heureusement pour lui, Eragon se fait aider par Brom, le mentor bourru de service. Il combat quelques vilains, il vole sur son dragon et ça fait mal, apprend un peu de magie, et rêve d'une beeeeelle elfe emprisonnée, tant et si bien que son coeur meurt déjà d'amûr. Fin de l'ouvrage : "big bataille", chez les nains, pour récompenser le lecteur de ses efforts.

Deuxième tome ? Ben on remet ça.
Eragon part cette fois chez les elfes pour devenir plus fort et plus sage (en même temps il devient aussi plus beau, parce qu'un héros c'est mieux quand il est beau). Entre temps, les bad boys sont revenus dans son village et s'en prennent à son cousin.
Donc en parallèle, le tome raconte : l'apprentissage d'Eragon (supeeer passionnant ses leçons de magie :p), ainsi que la fuite de son bouseux de cousin ("Puissant Marteau" devrais-je dire) accompagné du village, eh ouaip carrément. Fin de l'ouvrage : "big bataille" pour récompenser le lecteur de ses efforts (bis).

Bon, on a aussi des rebondissements. Mais ils sont tellement convenus et si peu crédibles qu'ils en perdent toute intensité dramatique. Attention spoilers :
"Eragon, je suis ton frère !
- WTF ? Mais t'es pas mort au début du volume toi ?
- Ben nan. Et maintenant j'suis du côté des méchants. Et j'dois te tuer.
- Oh non mon nouveau grand frère d'amour, unissons-nous plutôt pour battre les méchants.
- Que nenni, je suis dorénavant du côté obscur ! Mais comme je t'aime bien je te tuerai la prochaine fois, ok ? T'as vu mon beau dragon au fait ?
- Ouais il est trop cool ! Mais c'est bizarre, normalement c'était une race quasi éteinte.
- Ouais mais l'auteur savait plus trop quoi inventer pour faire genre combat épique. Allez à la prochaine, bisous."


Si vous me permettez un petit interlude patronymique :

Eragon ==> remplacez le "E" par un "D" ==> Dragon ! Youhou.
Décomposons maintenant Galbatorix (le nom du grand méchant pas beau qu'on voit jamais). Cela nous donne :
Galbatorix ==> G + Albator + ix

Soit un nom qui fait écho au fameux pirate de l'espace, avec une petite touche de gaulloititude. C'est beau. Et ça sonne tellement classe !


Beaucoup de reproches ont aussi été faits à l'auteur à propos d'un supposé plagiat. Pour ma part je ne me prononce pas, mais je me pencherais plutôt, à choisir, pour une inspiration qui a du mal à s'émanciper des grands maîtres.



En tout cas, j'ai du mal à comprendre les raisons de l'engouement des fans pour Eragon. Mon ami wikipédia, lui, dit ceci :
"Il a été publié car le père de Christopher Paolini est éditeur, et que sa sortie a été entourée d'une campagne publicitaire impressionnante. Le résultat : meilleure vente pendant 24 semaines et un grand nombre de fans. Vendu à 2,5 millions d'exemplaires en Amérique du Nord."

Eh oui, papa et maman sont éditeurs, alors forcément ça aide un peu à se faire publier et connaître. Soit. Mais ça ne force pas non plus les gens à aimer.
N'oublions pas non plus que Paolini est un auteur encore très jeune (né en 1984, il a actuellement 25 ans), et qu'il a commencé à écrire Eragon à seulement 15 ans. Son écriture s'affinera probablement, et je lui souhaite.

Pour comprendre ce phénomène, j'ai glané au hasard du net quelques témoignages :

"slt je suis nouveau, mais entre nous quece qu'il y a de mieux que ERAGON. C'est trop cool.a pars ca j'ai rien pas grand chose d'autre à dire"

"moi aussi j'ai lut eragon c'est vraiment un livre trop génial !"

"Cette nouvelle aventure nous promets donc pleins de rebondissements. Les derniers chapitres sont vraiment intenses et riches en révélations. Bref, on ne s'en lasse pas!"

Hmm. Les goûts et les couleurs, comme je disais...


En plus de la diversité naturelle des goûts, mon autre hypothèse concerne les points de comparaison que l'on a acquis au fil de ses lectures.
Peut-être qu'en lisant un certain nombre d'auteurs on devient de plus en plus sélectif, et que ce qui nous aurait semblé super au début nous paraît ensuite dérisoire. Peut-être, dans ce cas, les fans d'Eragon ont lu assez peu de fantasy jusqu'à présent.
Ou que le style de Paolini a des profondeurs que mon cerveau aigri ne peut comprendre.

Ce qui m'énerve, en fait, c'est d'entendre des phrases (principalement de la part de la presse qui n'a bien sûr pas lu les romans) disant que Christopher Paolini est l'un de nos grands écrivains, digne même d'auteurs comme Marion Zimmer Bradley ou Tolkien.
Non mais oh. Nawak.